sete

Yves Saget et Sandrine Metenier
Service d’addictologie du Département de Santé mentale et de psychiatrie, Hôpitaux universitaires de Genève, Genève, Suisse

Introduction: Pour toute personne présentant une addiction, le recours à une substance constitue une solution pour dépasser une difficulté (psychique, sociale, etc.) Le risque de dépendance varie avec le produit et celui d’addiction avec le contexte de vie de la personne et son histoire : culture familiale et apprentissages auprès de proches, groupes de référence, résilience, degré d’inconfort produit par la symptomatologie à l’origine du comportement de consommation. Au départ, le produit considéré comme une solution est devenu au fil des consommations, source de problèmes pour la personne, ses proches et la société, sur les plans infectieux (HIV, HepC, abcès…), psychiques, économiques, familiaux, professionnels, judiciaires.

Objectifs : Dans le contexte sociétal helvète du début des années 90, le législateur s’empare avec pragmatisme des problématiques connexes (scènes ouvertes de consommation de rue, explosion de l’épidémie HIV …) et inscrit dans la Loi fédérale une réponse de soins spécifique et novatrice (politique des 4 piliers). L’héroïne devient traitement pour certains patients toxicomanes (HUG-PEPS).  Solution puis problème, l’héroïne redevient solution et permet aux héroïnomanes d’entrevoir des perspectives de vie nouvelle et choisie.

Méthodes : L’héroïne médicament, injectable ou per os, fabriquée par des laboratoires agréés, est prescrite médicalement à une population ciblée dans un contexte hospitalier sous contrôle des autorités sanitaires. Ce traitement et l’accompagnement soignant « sur mesure » permettent aux patients de concevoir une vie telle que proposée par l’OMS (Charte d’Ottawa, 1974), c’est-à-dire celle qui a du sens pour eux. La qualité du produit et le contexte de soins  permettent de s’éloigner du milieu des drogues et de ses règles. En définissant des objectifs de soins/éducatifs, les patients (re)apprennent à prendre soin d’eux, (re)prennent du pouvoir sur leur existence et (re)trouvent la place dans la cité qui leur correspond le mieux. Par sa portée éducative, ce programme vise une stabilisation du traitement,  l’arrêt des consommations parallèles, la réduction des risques ainsi que le travail de renarcissisation, et de réhabilitation (professionnelle, familiale et parentale notamment).

Résultats : Des études montrent les effets sur la satisfaction et la qualité de vie des patients : amélioration globale de leur état de santé, diminution des hospitalisations et des infections, et diminution des peines (prison, condamnations) pour certains. Le temps gagné à ne plus chercher financement et approvisionnement leur permet de mobiliser leurs ressources pour retrouver un travail, un logement, leur rôle dans leur famille.

Conclusions: Le mandat de santé publique de l’unité est atteint.  Lors de la célébration des 20 ans du PEPS (2015), les politiques, les usagers et les soignants affirment leur détermination à défendre et à promouvoir ce dispositif de soins spécialisés. Le chantier à venir doit encore œuvrer à la destigmatisation de ces personnes et à l’expression de leur potentiel de citoyen responsable vis-à-vis d’eux-mêmes et de la communauté. Cela passera par davantage d’implication de leur part dans la vie de l’unité et du quartier. Reste maintenant à peaufiner avec eux les actions de soins et apprentissages qui leur permettent de se réaliser mieux dans leur vie et la cité.